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  • Posté le 3 mai 2022 / 184 visites

L’organisation interministérielle de l’Etat

Dossier du magazine de l’UFSE-CGT, Fonction publique n° 313 d’avril 2022

Depuis maintenant près de douze ans qu’elles ont été créées, les directions interministérielles de l’État (directions départementales et régionales interministérielles DDI et DRI) restent des objets mal identifiés auprès des citoyens comme au sein de nombreux services de l’État. Issues de la RéATE (réorganisation de l’administration territoriale de l’État) en 2010, elles ont été mises en place dans le contexte de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et symbolisent la complexité d’un État qui désorganise ses directions territoriales par de violents à-coups, sans se préoccuper du sens des missions ni des agents qui les conduisent.

SERVICES À LA DÉCOUPE

Pour expliquer ce que sont les directions interministérielles, il faut d’abord prévoir du temps (beaucoup) et de l’aspirine (énormément). Alors essayons de le faire à travers une image : celle de l’État qui a décidé de jouer au sorcier avec ses services déconcentrés en découpant et rassemblant ses directions pour en créer de nouvelles. Des milliers d’agents ont perdu leurs repères habituels du jour au lendemain : les règles ont évolué, les collègues du bureau d’à côté ont changé de direction, les circuits hiérarchiques se sont complexifiés, les dénominations des directions ont été remplacées par des sigles non identifiables, etc. et les Directions départementales interministérielles ont été rattachées directement aux services du Premier ministre dans un premier temps avant de passer sous la coupe du ministère de l’intérieur au 1er janvier 2021, tandis que les directions régionales sont restées pilotées par les ministères ou transformées pour tout ou partie en agences.

Ainsi ont été réorganisés les services départementaux et régionaux traditionnels des ministères des solidarités (DDASS et DRASS), de l’agriculture, de l’environnement (DDE et DRE), de la jeunesse et des Sports, de la concurrence et de la répression des fraudes (DDCCRF), du travail (DIRECCTES) et certains services du ministère de l’Intérieur. Chaque type de ces nouvelles directions a pu hériter d’une dénomination exotique parfois imprononçable (comme les anciennes DRDJSCS).

Comme cela ne suffisait pas, les gouvernements ont régulièrement rajouté un coup de moulinette à ce mécano déjà très complexe. Le dernier en date, au 1er avril 2021, a recombiné les directions de la cohésion sociale (DDCS/ DDCSPP et DRJSCS) avec les directions du ministère du travail (DIRECCTES et leurs unités territoriales) pour créer DDETS et DREETS.

Il existe ainsi aujourd’hui trois catégories de DDI
 :
• Les directions départementales des territoires (DDT et DDTM pour les départements ayant un littoral),
• Les directions départementales de la protection des populations (DDPP) ;
• Les directions départementales de l’emploi du travail et de la solidarité (DDETS ou DDETS-PP lorsqu’elles fusionnent les DDETS et DDPP dans les départements de moins de 400 000 habitants).

Globalement, dans chaque département de métropole, il y a donc une
DDT ou une DDTM, il y a aussi une DDETS et une DDPP ou une DDETSPP.

Au total on compte environ 235 DDI sur le territoire : 68 DDT, 24 DDTM, 51 DDPP, 47 DDETS, 45 DDETSPP... Ce comptage indique par lui-même que chaque département n’est pas doté de la même manière en DDI.

Quant aux types directions régionales, elles sont cinq aujourd’hui dans le périmètre de l’administration territoriale de l’État  : les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS), les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), les délégations régionales académiques à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (DRAJES) , les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Les autres structures régionales — les directions régionales des finances publiques, les rectorat d’académie et les agences régionales de santé (ARS) — sont pour l’heure non comprise dans ce champ.

La région parisienne et les DOM, ont pour leur part été dotés d’une organisation spécifique.

DES DIRECTIONS AUX PÉRIMÈTRES FLUCTUANTS

Depuis leurs créations elles n’ont cessé d’être un laboratoire d’idées et leurs agents, des cobayes. La loi du 16 janvier 2015 instaurant la fusion des régions a été particulièrement marquante puisqu’elle a conduit l’État à se réorganiser et à fusionner certaines directions régionales entre elles, et parfois avec des directions départementales : ce fut le cas des « DRDJSCS », le deuxième D permettant d’identifier la direction départementale « déléguée » fusionnée avec la direction régionale et qu’il a fallu ensuite dé-fusionner en janvier 2021 pour créer à nouveau de nouvelles directions.

Il faut être clair, la création des directions interministérielles a bien été réalisée dans le but de réaliser des économies substantielles. Et la machine a fonctionné à plein régime puisque l’échelon départemental (les DDI) a perdu 30 % de ses effectifs en moins de 10 ans. Une évolution qui a conduit à diluer et casser les missions et à éloigner le service public du citoyen usager.

L’instabilité permanente de ce secteur, qui ne cesse d’évoluer en termes
de périmètre, pèse fortement sur les agents et le ministère de l’intérieur, à la lecture des résultats très négatifs du dernier baromètre social des DDI, a dû lui-même reconnaitre que « les signes de cette dégradation pressentie sont à mettre en lien avec leur manque de visibilité sur l’avenir de leur structure, de leur mission et plus précisément de leur place au sein des DDI ».